LE TEMPS, une illusion pourtant bien réelle !
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LE TEMPS, une illusion pourtant bien réelle !
LE TEMPS, une illusion pourtant bien réelle !
Le temps s’accélère
André Comte-Sponville
Vous l’avez remarqué comme moi : le temps passe de plus en plus vite. C’est bien sûr une illusion. Le mouvement des planètes ou de nos horloges demeure inchangé. Le nombre d’heures dans le jour ou de jours dans l’année reste inentamé. Mais ils nous filent de plus en plus entre les doigts, mais ils semblent s’enfuir à vitesse croissante. « C’était hier », dit-on. Mon père ajoutait souvent : « Même pas ! C’était ce matin. Et encore, pas très tôt ! » Ce n’est pas le temps qui s’accélère, c’est nous qui vieillissons.
Plus on avance en âge, chacun l’éprouve, plus le temps semble passer vite. L’arithmétique pourrait suffire à l’expliquer. Pour un enfant de 4 ans, une année, c’est le quart de sa vie. Pour un adolescent, environ un quinzième. Pour moi, qui ai 51 ans, un peu moins de 2 %. Pour un octogénaire, à peine plus de 1 %… Comme cela paraît long, pour l’enfant, et court, pour l’homme mûr ou le vieillard ! Il y a sans doute autre chose. L’enfant, hors ses moments de jeu, vit surtout dans l’attente. L’année qui compte, elle est devant lui : il en est séparé par trois cent soixante-cinq jours, qu’il faudra vivre un par un. Le vieillard vit davantage dans le souvenir. Cette année qui lui semble si brève, c’est d’abord celle qui est derrière lui. Il s’en souvient en bloc, il la porte tout entière en lui, déjà vécue, déjà passée, ou plutôt il porte tout entier en lui le peu qu’il lui en reste : quelques souvenirs, quelques regrets – presque rien.
On pense à la belle chanson de Serge Reggiani :
« Votre fille a 20 ans, que le temps passe vite
Madame, hier encore elle était si petite… »
Mais Baudelaire, transmuant le temps en espace, nous éclaire davantage :
« Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! »
Immensité de l’avenir, étroitesse du souvenir. Lenteur de l’attente, vitesse de la perte. Entre les deux, quoi ? Le présent. C’est ce qui nous sauve. Comment pourrait-il se réduire, puisqu’il est sans durée ? Un présent de huit jours ne serait plus un présent. Un présent d’une heure, pas davantage. Toute durée en train de s’écouler – une semaine, une heure, une seconde – est la somme d’un passé et d’un avenir : une partie est derrière moi, une autre devant. Mais le présent, lui, est tout entier actuel. Il dure, certes, puisqu’il continue, mais sans qu’aucune durée puisse le mesurer. Un instant ? Non pas, puisqu’il dure. Un laps de temps ? Non plus, puisqu’il est indivisible (que serait une moitié de présent ?). Le présent est tout entier ce qu’il est, un et indivisible. C’est sa façon à lui d’être éternel. Comment pourrait-il disparaître, puisqu’il est tout ? C’est nous qui disparaîtrons, mais nous ne serons plus là, alors, pour nous en rendre compte…
Ce n’est pas le temps qui s’accélère ; c’est l’avenir qui se rétrécit, c’est le passé, surtout, qui s’en va de plus en plus vite. Raison de plus pour profiter du présent, qui demeure.
André Comte-Sponville, philosophe, a notamment publié un “Dictionnaire philosophique” (PUF, 2001), “Le Bonheur, désespérément” (Librio, 2002), “L’Amour, la Solitude” et “Présentations de la philosophie” (Albin Michel, 2000).
Source --> http://www.psychologies.com
ADMINISTRATEUR
Je prends pour référence ce texte déja bien ancien concernant l'accélération physique et pourtant illusoire du temps, nous serons certainement d'accord sur plusieurs points, notament sur le fait:
- que l'on ne peut maitriser le temps comme on le voudrait,
- que des événements prennent toujours en otage le temps que l'on aurait pu avoir de disponible,
- quoi que nous fassions, même si notre montre n'avance pas plus vite, le temps nous échappe toujours
- que l'on puisse vivre plus longtemps d'accord, cela ne nous empêche pas de voir notre vie défiler encore plus vite.
Je me souviens encore de mes années scolaires, quand le temps me semblait encore long dans certains cours, et que je trouvais le mouvement de la troteuse de l'horloge trop lente. Et bien malgré ce fait, j'ai beau imaginer le temps perdu à la fixer, je pense malgré tout qu'à cette epoque, il m'échappait déja.
- Le temps est-il vraiment réel?
- Ne serait- ce pas simplement nous qui l'avons inventé pour toujours rassurer notre devenir?
- cette constance irrémédiable d'écoulement ne serait-elle pas simplement provoquée par nous même, et nos outils de mesure?
Voila quelques points d'encrage à quelques reflexions beaucoup plus poussées.
Amicalement Yann
Le temps s’accélère
André Comte-Sponville
Vous l’avez remarqué comme moi : le temps passe de plus en plus vite. C’est bien sûr une illusion. Le mouvement des planètes ou de nos horloges demeure inchangé. Le nombre d’heures dans le jour ou de jours dans l’année reste inentamé. Mais ils nous filent de plus en plus entre les doigts, mais ils semblent s’enfuir à vitesse croissante. « C’était hier », dit-on. Mon père ajoutait souvent : « Même pas ! C’était ce matin. Et encore, pas très tôt ! » Ce n’est pas le temps qui s’accélère, c’est nous qui vieillissons.
Plus on avance en âge, chacun l’éprouve, plus le temps semble passer vite. L’arithmétique pourrait suffire à l’expliquer. Pour un enfant de 4 ans, une année, c’est le quart de sa vie. Pour un adolescent, environ un quinzième. Pour moi, qui ai 51 ans, un peu moins de 2 %. Pour un octogénaire, à peine plus de 1 %… Comme cela paraît long, pour l’enfant, et court, pour l’homme mûr ou le vieillard ! Il y a sans doute autre chose. L’enfant, hors ses moments de jeu, vit surtout dans l’attente. L’année qui compte, elle est devant lui : il en est séparé par trois cent soixante-cinq jours, qu’il faudra vivre un par un. Le vieillard vit davantage dans le souvenir. Cette année qui lui semble si brève, c’est d’abord celle qui est derrière lui. Il s’en souvient en bloc, il la porte tout entière en lui, déjà vécue, déjà passée, ou plutôt il porte tout entier en lui le peu qu’il lui en reste : quelques souvenirs, quelques regrets – presque rien.
On pense à la belle chanson de Serge Reggiani :
« Votre fille a 20 ans, que le temps passe vite
Madame, hier encore elle était si petite… »
Mais Baudelaire, transmuant le temps en espace, nous éclaire davantage :
« Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! »
Immensité de l’avenir, étroitesse du souvenir. Lenteur de l’attente, vitesse de la perte. Entre les deux, quoi ? Le présent. C’est ce qui nous sauve. Comment pourrait-il se réduire, puisqu’il est sans durée ? Un présent de huit jours ne serait plus un présent. Un présent d’une heure, pas davantage. Toute durée en train de s’écouler – une semaine, une heure, une seconde – est la somme d’un passé et d’un avenir : une partie est derrière moi, une autre devant. Mais le présent, lui, est tout entier actuel. Il dure, certes, puisqu’il continue, mais sans qu’aucune durée puisse le mesurer. Un instant ? Non pas, puisqu’il dure. Un laps de temps ? Non plus, puisqu’il est indivisible (que serait une moitié de présent ?). Le présent est tout entier ce qu’il est, un et indivisible. C’est sa façon à lui d’être éternel. Comment pourrait-il disparaître, puisqu’il est tout ? C’est nous qui disparaîtrons, mais nous ne serons plus là, alors, pour nous en rendre compte…
Ce n’est pas le temps qui s’accélère ; c’est l’avenir qui se rétrécit, c’est le passé, surtout, qui s’en va de plus en plus vite. Raison de plus pour profiter du présent, qui demeure.
André Comte-Sponville, philosophe, a notamment publié un “Dictionnaire philosophique” (PUF, 2001), “Le Bonheur, désespérément” (Librio, 2002), “L’Amour, la Solitude” et “Présentations de la philosophie” (Albin Michel, 2000).
Source --> http://www.psychologies.com
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